Jean-Thomas Trojani | Transformer des bureaux en logements ? Pas si simple...

Le ministère du Logement cible tout particulièrement l'Ile-de-France, là où "7,2% des surfaces de bureaux sont vacantes, soit 3,6 millions de mètres carrés, dont 500 000 le sont depuis plus de 4 ans", détaille Philippe Lemoine, qui est aussi administrateur de l'Observatoire régional de l'immobilier d'entreprise en Île-de-France (ORIE).Ambitieux, le projet de loi de la ministre du Logement Cécile Duflot, présenté ce matin au conseil des ministres, vise à accélérer les projets de construction. Il comporte un volet important sur la transformation de bureaux en logements.  Les maîtres d'ouvrage pourront à l'avenir, dans certaines zones tendues, passer outre le "coefficient d'occupation des sols" (COS) qui détermine dans le PLU une densité maximale de construction pour les logements. Celui-ci restreint parfois le nombre de logements constructibles dans une zone contre toute logique. Enfin toujours par ordonnance, les contraintes en matière de places de stationnement par habitation vont être allégées, voire levées toujours dans les zones où les besoins de logement sont les plus criants. Elles faisaient croître de manière substantielle et parfois irrationnelle le coût de la construction.Avant d'entreprendre des travaux de transformation, il est en général préférable de vider l'immeuble de ses occupants. "L'inoccupation des immeubles constitue un préalable quasi indispensable au lancement d'une transformation de bureaux en d'autres locaux", indique le rapport de l'ORIE. Or, "dans un immeuble avec de multiples occupants, dont les échéances des baux arrivent rarement à terme de façon simultanée, les propriétaires sont parfois confrontés à des problèmes d'éviction des utilisateurs. Les délais de libération des immeubles sont souvent longs et coûteux", constate l'Observatoire.Si cette pratique "ne réglera pas à elle seule la crise du logement", juge Philippe Lemoine, directeur général de la foncière Silic, son potentiel de créations d'habitations n'est "pas neutre", surtout au regard du niveau extrêmement bas "des mises en chantier de logements neufs", ajoute -t-il. C'est aujourd'hui une certitude, le potentiel de bureaux convertibles en logements existe. Seulement pour que le processus de transformation s'enclenche, il demeure nécessaire de lever un certain nombre d'obstacles. En premier lieu, la faisabilité économique d'une opération de conversion, primordiale aux yeux des propriétaires, qu'ils soient institutionnels ou particuliers, n'est pas toujours évidente. Plus que la question du prix au mètre carré qui,  dans les zones tendues est désormais similaire pour les bureaux et pour les logements, c'est davantage les contraintes juridiques et administratives qui freinent les transformations.Ainsi, le passage récent de 20 à 25 % du seuil de logements sociaux par commune rend moins financièrement attractives les opérations de transformation de bureaux en logements. En revanche, deux des obstacles majeurs, pour les professionnels du bâtiment, vont être levés par le gouvernement. Dans son projet de loi présenté ce matin, Cécile Duflot a ainsi introduit plusieurs dérogations aux règles de constructibilité fixées par les Plan locaux d'urbanisme (PLU) qui seront mises en oeuvre par voie d'ordonnance. En effet, "alors que certains logements, réhabilités lourdement et considérés comme des logements neufs sont vendus en moyenne en libre 8 000 à 15 000 euros le mètre carré habitable, les logements sociaux identiques aux logements classiques ne dépassent pas 3 640 euros le mètre carré", indique l'Orie dans un rapport sur "la transformation et la mutation des immeubles de bureaux". D'un point de vue technique, le coût de la transformation d'un immeuble de bureaux en logements est au final estimé par les professionnels du bâtiment à entre 2000 et 2500 euros hors taxe par mètre carré. Il dépend principalement de la morphologie de l'immeuble. Ceux des années 1960/1970 s'y prêtent plus facilement, selon l'ORIE, car leurs murs sont peu épais et ils  ont une configuration permettant de redistribuer assez aisément les logements. "En revanche les immeubles des années 90 sont parfois plus complexes à traiter et nécessitent très souvent des modifications de façade", ajoute l'Observatoire.En parallèle, pour qu'il puisse accueillir des logements, un immeuble doit avoir une hauteur de plafond au minimum égale à 2,50 mètres. Du coup les surfaces de bureaux en sous-sol, affectées aux archives, peuvent être inadaptées et faire perdre de la surface au propriétaire lors de l'opération.Du coup, l'Observatoire milite pour une réduction du seuil de logements sociaux, au profit de logements locatifs intermédiaires. Une hypothèse hautement improbable. On voit mal en effet le ministère du Logement revenir sur sa récente réforme à caractère très symbolique.

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